lundi 28 février 2011

MAM ET NICO : PAROLES, PAROLES...

Qu'est-ce qui a réellement dicté à Michèle Alliot-Marie sa lettre de démission à Nicolas Sarkozy ? La poursuite fidèle de l'intérêt général, y compris par son propre départ, comme elle l'affirme ? MAM s'est-elle "immolée" politiquement de son gré, ou bien cette Iphigénie s'est-elle résignée à être sacrifiée par Agamemnon-Sarkozy, comme l'avait été Eric Woerth quelques mois auparavant, et ce pour calmer le courroux des dieux-sondages et du peuple ?


Musique : "Paroles, Paroles" (Dalida et Alain Delon).

28/02/2011. Au lendemain du limogeage de MAM et du remaniement-redéploiement ministériel, chaque membre du gouvernement y va de son explication. D'abord, un consensus : "Le contexte exceptionnel de révoltes en série du monde arabe, réclame des êtres d'exception" ; "Alain Juppé est une personne d'une grande expérience politique, en particulier dans la tenue des affaires étrangères." Le lien entre les deux propositions pourrait être rapidement établi et la conclusion d'un "Alain Juppé, homme providentiel de la situation" évidente... si "le cas MAM" n'entrait pas dans le jeu des chaises musicales. Un autre quasi consensus au sein du gouvernement : "Elle n'est pas licenciée pour faute grave." Alors comment expliquer qu'elle soit évincée de l'exécutif français, sans contrepartie ni lot de consolation ? Pour tenter de dissimuler les coutures de l'instigation ouvragée, deux principales versions ont été produites, non sans quelques interférences.

1) La version de François Fillon, qui se fait l'écho du contenu de la lettre de démission. "Ce n'est pas une décision morale, mais politique. C'est un acte stratégique face à une accélération de l'Histoire qui va avoir des conséquences que nous ne sommes pas en mesure d'imaginer sur l'économie mondiale" a-t-il déclaré aujourd'hui sur RTL. Dit autrement, sa démission, bien que fâcheuse, était nécessaire pour ne pas flétrir davantage aux yeux du monde notre crédibilité et notre place dans cette nouvelle configuration géopolitique. Plus familièrement : "pour rester dans la course internationale, on ne peut pas s'attacher un boulet au pied !" C'est la version officielle, non pas de Nicolas Sarkozy, mais du courrier signé par MAM et de François Fillon. Pour MAM, c'est une solution de moindre mal qui lui permet de se poser en victime innocente, défendant fièrement son honneur et sa capacité d'abnégation.

2) La version de Nicolas Sarkozy, relayée et explicitée par François Baroin et Christine Lagarde, moins tenus par le devoir de réserve que le chef de l'Etat. Pour la ministre de l'Economie s'exprimant ce matin sur Europe 1 : "On ne saurait accabler Michèle Alliot-Marie [...] Cette décision extraordinairement professionnelle est fondée sur l'expérience". Cela va certainement faire plaisir à la déchue... Et le porte-parole du gouvernement, philosophe et fataliste, de refermer diligemment la parenthèse MAM : "Il ne faut pas effacer 20 ans au service de notre pays [...] Son départ est cruel, mais personne n'est propriétaire de son poste ministériel". Salut l'artiste ! Le monde arabe lui préfère l'interjection "Dégage !", plus agressive, mais répondant à la même intention fondamentale.

La quasi totalité de la presse et de l'opinion aura noté la discourtoisie avec laquelle la ministre multicartes MAM a été "remerciée". Au milieu des témoignages de sympathie et de considération affectés, la ministre des affaires étrangères, importune et désavouée, est chassée comme une malpropre, par un tonitruant coup de pied au derrière. Si l'Histoire n'est pas trop injuste, elle apportera peut-être encore quelque éclairage critique à cette petite histoire, afin que les livres ne retiennent pas que la version du licenciement pour incompétence.

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