dimanche 28 septembre 2014

JEAN-MARIE LE PEN : DIABLE MEDIATIQUE MAIS SEULEMENT A MI-TEMPS

Quelque chose d’étrange vient de se produire. Jean-Marie Le Pen, censé être le diable de la république, l’antisémite ciblé par tous les médias et la classe politique française, a eu l’honneur d’être cordialement invité à une heure de grande écoute, au Grand Journal, pour répondre à Le Pen, vous et moi (un titre qui semble lui-même banaliser le personnage, "Le Pen est comme vous et moi"), le livre que Moati lui consacre, et pour le faire en sa présence. Une demie faveur quand on sait d'une part que Moati loin de l’incendier, le flatte en plusieurs instants, insiste sur sa proximité avec lui, ses entrées au parti frontiste côtoyé pendant 25 ans pour les besoins de son travail, et d'autre part que Naulleau qui coécrivit un livre (Dialogues désaccordés) avec un autre homme marqué au fer rouge, Alain Soral, fut invité sans lui sur ce même plateau de Canal+. Cette asymétrie signifie que les médias continuent d’instrumentaliser Le Pen à leur avantage : ils ont trop besoin de son discours contre le fascisme vert, pour lui tenir complètement rigueur de ses provocations passées, fussent-elles jugées antisémites. Dans la présente lutte contre les barbus de l'Etat islamique et autres "décapiteurs sans pitié", le patriarche est si précieux que les médias n’hésitent pas à le rendre sympathique, bonhomme et bon vivant, gaulois en somme (via les passages cités par Moati dans son ouvrage), et à faire affirmer par un journaliste, auteur et documentariste, juif ancien franc-maçon revendiqué, c'est-à-dire par une cible potentielle des piques verbales de Le Pen donc (pour plus de crédibilité et de portée du message), « qu’il n’est pas fasciste mais républicain ». Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes médiatiques possibles !... jusqu'à la prochaine sortie honteuse du pas du tout fréquentable Jean-Marie, évidemment... Cette vie politique est décidément bien du théâtre à tous les étages.

lundi 16 juin 2014

QUAND SORAL VEUT ÊTRE CALIFE A LA PLACE DU CALIFE

La première émission d'ERTV, une interview live du président d'Egalité et Réconciliation, Alain Soral, fut une synthèse dans son genre, pour reprendre le mot d'Audiard...

Côté décorum, pas de souci pour les aficionados, toujours même dominante rouge, pas sur le canapé mais sur le polo cette fois (ça fait un poil plus snob que le t-shirt et un peu plus sportif ; ce qui n'empêche que vous avez pris de la bedaine, président ; comment ça faut pas le dire crétin ? A vos ordres chef !). A noter que depuis plusieurs mois, Soral semble très attiré par le rouge et ses symboles mitoyens : polo rouge ici, couverture rouge du livre avec la personnalité de gauche Eric Naulleau en fin d'année dernière, mise en avant de plus en plus prononcée du philosophe cher à une partie de l'extrême-gauche, Michel Clouscard, dans ses conseils de lecture, commentaires d'actualité, et même sur l'image de fond du site ER où son portrait photographique en milieu de page est plus grand que celui de De Gaulle, éloge du socialisme de "troisième voie" de Sorel (terme quasi homonyme avec "Soral"), et aujourd'hui relativisation de la dictature nord-coréenne. Chercherait-il à faire oublier sa période "mystico-barressienne" et "catholique néo-traditionnaliste", pour estomper sa réputation d'agitateur d'extrême-droite, et cela opportunément avant le verdict de ses procès ?

Toujours est-il que Soral se lâche durant 2 heures et nous livre un florilège de ses convictions profondes. Comme lors de ses précédentes "vidéos mensuelles" ("trimestrielles" serait à présent plus exact), il y affirme vouloir éviter de nouveaux jugements. Pas fou. On pariera pourtant, à l'écouter parler de Fourest et de quelques autres, que la liste de ses procès ne manquera pas de s'allonger. Mais ce qui m'intéresse, ce sont les contradictions de plus en plus évidentes de sa ligne. Voici deux points qui ont particulièrement retenu mon attention :

1) 1:26:40. Après avoir craché sur le principe même de la banque, Soral se lance dans une palinodie qui ferait se pâmer tous les "Dr Jekyll et Mister Hyde" de la politique et autres Jérôme Cahuzac. Il réfléchit en effet aux moyens de mettre en place un système bancaire parallèle. Tout en avouant que, du moins au départ (?), il serait nécessaire de créer une banque, à l'image des autres. Quel grand écart ! La banque de l'équipe Soral, ce serait, si l'on se souvient de la dichotomie ironique des Inconnus, une sorte de bon chasseur, contre le mauvais chasseur incarné par toute autre banquier "non dissident". On imagine avec amusement l'argumentaire de vente : "Vous êtes dissident ? Vous n'avez plus envie de cautionner le système bancaire, ses sbires, ses traîtres et ses catins ? Rejoignez la vraie dissidence bancaire ! Chez nous, l'usure est également pratiquée, les placements rémunérés aux mêmes taux qu'ailleurs, mais ce n'est pas pareil car nous sommes une bonne banque, avec des vrais morceaux de dissidents 100% français antisionistes dedans !"

Pas sérieux. Le principe de réalité qui lui est si cher, le rattrapera et il sera obligé, comme les autres, de pratiquer le prêt à intérêt, autrement sa "banque" (ou son substitut d'un autre nom) s'effondrera. En outre, ses hésitations à répondre à la question de l'intervieweur prouvent d'ores et déjà son embarras. Comment faire avaler cette (énorme) pilule à ceux qui lui font encore confiance ? La manière, il l'ignore encore, mais il aime son indépendance économique, quitte à insister lourdement sur son parcours de mec libre mais pas du tout individualiste, très collectiviste au contraire (Soral nous gratifie dans sa vidéo d'une anaphore, "improvisée" bien sûr, basée sur le "nous", réponse au "moi" de Hollande). Il l'aime autant qu'il déteste la discrimination et le communautarisme. Conjuguer le sectarisme d'une banque qui se tient délibérément à l'écart des autres (chez nous, on ne mélange pas les torchons et les serviettes !), avec les discours universalistes, nationalistes et anti-communautaristes, va exiger de lui une adresse qu'il n'est pas encore sûr de posséder... 

2) Sa fantasmatique et sa verve mises en ébullition par près de deux heures de monologue (comme d'hab'), débordent sur une confidence bien mousseuse, que dis-je une confidence, une bombe dont la sincérité m'a scotché lorsque j'ai compris qu'il ne s'agissait pas d'une forfanterie. A 1:48:42, Soral donnant son opinion sur les jeux de hasard qui le "dégoûtent", nous jure que "quand je prendrais le pouvoir, car je finirais par le prendre un jour, je remettrais tout ça bien en place". Qu'il tente ou non un rétropédalage ultérieur, comme au sujet du financement de la liste antisioniste en 2009, le message à destination du gouvernement et surtout de ses fans est passé. Soral se rêve dictateur, ou du moins un "Poutine à la française" comme le titrait il y a quelques mois le site internet de son association. C'est beau de rêver... Cependant, et sans même rire de vos délires de grandeur, on peut légitimement s'interroger derechef sur votre cohérence, Mr Soral. Vous vous disiez républicain, démocrate, défenseur de la souveraineté nationale et populaire, et dorénavant vous ne voulez plus demander son avis au peuple, mais directement prendre le pouvoir. Et comment vous y prendriez-vous ? En organisant un coup d'Etat ? Et ensuite, en vous faisant plébisciter dans le césarisme, ou bien plus simplement en décrétant autoritairement qu'une majorité de Français vous a choisi (et tant pis pour la vérité dont vous vous prétendez le chantre) ? Tout cela est évidemment une impasse, et soit Soral a le cerveau en surchauffe, soit il espère abuser de la crédulité de certains. Ah ! elle est belle cette "dissidence"...


dimanche 25 mai 2014

LE SOIR OU LE FN ME FIT PLEURER...

J'avoue. J'ai versé une larme en découvrant la première estimation du résultat des élections européennes de ce jour, dimanche 25 mai 2014. L'émotion était forte, même si j'ai du mal à l'interpréter. Joie réelle ou sarcastique, espoir, dépit, peine, étonnement, stupéfaction, quoi qu'il en soit les faits sont là : le FN enregistre un score historique en récoltant 25% des suffrages, devant l'UMP à 20% et le PS loin derrière, rétrogradant encore par rapport à 2009 pour atteindre un niveau humiliant de 14%. Le verdict journalistique le plus radical vient pour l'instant de la une du Libération de demain : "La France FN".

Si le 21 avril 2002 fut une "claque" pour le système UMPS, le 25 mai 2014 restera dans l'histoire comme un véritable coup de tazer dans ses parties sensibles ! On pourra bien sûr relativiser en rappelant que le premier parti de France, ici comme durant les récentes municipales, reste l'abstention (à près de 56%) et que, de fait, une majorité d'électeurs français n'est toujours pas plus convaincue par le FN que par les autres partis traditionnels. On pourra aussi minorer la défaite de l'UMP en pariant que si l'UDI n'avait pas fait cavalier seul il aurait permis au parti de Copé de dépasser le FN. Il n'empêche que pour Hollande, Copé, Mélenchon et consorts, ça fait mal et ça la fout mal. "C'était prévisible" entend-on partout. Prévisible mais aujourd'hui avéré. Hollande et Valls ont rendez-vous demain pour une réunion de crise et selon les informations d'itélé "l'Elysée en tirera les leçons".

Quelles leçons l'équipe Hollande pourrait-elle tirer ? D'ores et déjà, le premier ministre Manuel Valls a donné la consigne et distillé les éléments de langage du PS : "Il faut aller plus vite dans les réformes". Le remaniement ministériel venant d'avoir lieu, il est peu probable qu'un nouveau groupe se forme autour de Flanby Ier ou de Quand Même Ier. La dissolution de l'Assemblée nationale réclamée par les cadres du FN a également peu de chances de rencontrer un écho favorable. En revanche, je miserais volontiers sur une accélération... dans le frémissement du retournement de tendance. Blague à part, si Hollande, "comprenant le message" de la défaite du scrutin municipal, effectua un virage à droite au sein de l'exécutif en y plaçant Manuel Valls, il y a ici deux possibilités relatives à la future ligne gouvernementale. Soit, entendant encore plus fortement le message que l'électorat français se droitise (selon les codes du système qui catalogue le FN à l'extrême-droite), Hollande ira plus loin dans cette droitisation en feignant de la confondre avec une volonté droitière d'un libéralisme plus échevelé (c'est quelque peu pervers, mais je rappelle qu'on parle bien du PS, donc voilà...). Soit, il accélérera les effets de sa sociale-démocratie européiste, jouant le quitte ou double et espérant maintenir le navire à flot pour 2017. Auquel cas, on peut craindre des protestations d'amour régulières pour l'UE, et un lavage de cerveau accru sur fond, par exemple, de conférences, d'allocutions ou simplement de documentaires télévisuels de plus en plus fréquents mettant en garde contre les dangers de l'extrême-droite et du repli protectionniste qui, fatalement, aboutirait au fascisme, au nazisme etc.

Ce que je peux vous certifier en revanche c'est que le candidat UMP 2017 mettra le cap sévèrement à droite, en s'inspirant de la méthode Sarkozy 2012. Le siphonnage a fonctionné, il fonctionnera encore, voilà ce que parieront les ténors du parti droitier. Car, même si la soirée en est, une fois de plus, au règlement de comptes à OK UMP, le temps viendra des conclusions drastiques, et l'UMP elle aussi lancera son : "Nous avons compris le message". Et Copé se fendra, comme il l'a tant fait durant les années 2000, d'un très déterminé : "Nous ne laisserons pas le terrain de la sécurité et de l'identité nationale au FN". Je vous le dis, ça promet pour 2017...

Au-delà de la performance frontiste de ce jour, tout reste à prouver. J'attirerai simplement votre attention sur ce point que le FN, à présent premier parti de France au Parlement européen, non seulement obtient le plus grand nombre de sièges (entre 22 et 25, soit environ un tiers de la représentation française à Strasbourg), mais s'apprête à encaisser le plus gros chèque en provenance des contribuables européens, à savoir une somme dépassant les 45 millions d'euros, pour la totalité des députés et collaborateurs marinistes sur les 5 ans de la législature (sur la base de 36 000 euros / mois, nets d'impôts). Oui, on parle bien du parti qui se veut le plus hostile aux institutions européennes. Drôle, pathétique, pied-de-nez, arnaque, paradoxe... Je vous laisse libre de choisir le mot qui vous convient. En même temps, comme l'a souvent souligné François Asselineau, ni la sortie de l'euro, ni celle de l'UE ne figure dans une quelconque profession de foi du FN. Florian Philippot ce soir parla même de "reconstruire l'Europe". Une expression ambiguë, pour le moins. Mais allez, passons, et admettons même qu'on reste encore longtemps au sein de l'UE et de l'euro. En attendant un éventuel changement de la forme européenne, la seule chose qui importe, c'est de savoir si la France se portera mieux et que cette équipe protégera plus efficacement notre pays de décisions iniques. Le FN, fort de ses nouveaux droits et donc de ses nouveaux devoirs et responsabilités, a déjà bien conscience qu'on l'a à l’œil. Sans mauvais mot, en la circonstance.