lundi 23 janvier 2012

MON ODE EN DEMI-TEINTE A FRANÇOIS HOLLANDE (MEETING DU BOURGET)

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Et puis la mémoire sollicitée.Tous ces souvenirs, conscients, inconscients, les déceptions qui ressortent : des erreurs multiples de la gauche depuis 1983, aux vraies fausses illusions du candidat Sarkozy, le magicien de 2007 devenu depuis un pantin désarticulé, presque pathétique, maigre, essoufflé, chancelant à l'image de son quinquennat écoulé. Enfin, ces paroles vraies qui touchent, vont droit au cœur. Ce diagnostic clair et net, évident presque, malheureusement évident : l'aggravation des déficits ; le mot qui, selon Hollande, résume les 5 ans voire les 10 ans de la droite UMP "dégradation" ; l'accaparement du pouvoir par une minorité, une oligarchie que le candidat socialiste n'a pas hésité à qualifier d'"aristocratie"... Oui tout cela est certainement pertinent. Voilà quelles furent mes premières impressions spontanées. Ensuite, vient l'épreuve de vérité, celle de la raison qui revient à l'esprit et des pieds qui retombent sur terre. Et là, je dois avouer que je ne peux que porter un jugement mitigé.

François Hollande n'a pas imité le président qu'il rêverait d'être (un nouveau Mitterrand), il a véritablement parlé en président. Reconnaissons-lui ce mérite. Il était déjà le président Hollande dans toute la plénitude de sa fonction.

Première méthode pour convaincre : se présidentialiser en s'élevant ostensiblement au-dessus du débat partisan. Ne nommant jamais Nicolas Sarkozy, il aurait pu y parvenir... s'il n'avait préalablement fixé son cap par opposition aux politiques de droite ; un exemple à ne pas suivre, dont il s'appliqua par conséquent à lister tous les travers. Candidat certes, mais homme de gauche avant tout. Une affiliation assumée, jusqu'au rappel de son propre itinéraire, de cet enfant né de normands conservateurs qui ne subit pas le socialisme mais le choisit. Chassez le naturel... Donc oui, dans ce discours, François Hollande est apparu en socialiste, bien plus qu'en rassembleur national.

Deuxième nécessité stratégique pour se poser, si ce n'est en rassembleur du peuple français, du moins en rassembleur de la gauche : synthétiser les propositions de ces anciens rivaux de la primaire, et au-delà, ratisser le plus large possible, du centre à l'extrême-gauche, en passant par les préoccupations écologistes. En peaufinant son discours, François Hollande n'aura oublié de flatter aucun allié potentiel. Et surtout pas ceux qui ne le ménagèrent pas ces dernières semaines, à savoir les membres de la fameuse "aile gauche de la gauche" (Hamon, Emmanuelli, Montebourg).

Troisième méthode : un fil rouge. Rouge, c'est le cas de le dire. Son nouveau leitmotiv, il le rôda mercredi lors de sa mini-conférence avec Stéphane Hessel aux Journées de Nantes: "je n'ai qu'un seul adversaire ; il n'a pas de nom, pas de visage. C'est le monde de la finance". Ambitieux, noble et surtout malin d'éviter la guéguerre stérile et sempiternelle gauche-droite, devenue indigeste pour l'électorat. Néanmoins, pour tout vous dire, je ne crois pas en la puissance de cette conviction. Pas une seule seconde. Qu'il ait entendu les doléances des classes populaires à travers le Front de gauche et repris, presque mot pour le mot, la sentence de Jean-Luc Mélenchon, cela ne fait aucun doute. Mais qu'il soit un jouteur crédible, en lice pour défaire cet ennemi tentaculaire, terminant son mandat victorieux, là où Sarkozy n'aura été qu'impuissant, ça c'est une autre histoire.

Un jongleur habile ne s'improvise pas chevalier du jour au lendemain. L'orateur amateur de boutades se contint, plus grave que de coutume, mais le bouffon céda la place au troubadour, non au dirigeant pragmatique.

Les idées demandent du temps pour mûrir, les moyens d'actions politiques encore plus pour bâtir un édifice pérenne. "Le changement c'est maintenant", "L'esprit de la force", "La volonté". On a presque envie de lui dire, "tais tes intentions, et économise tes paroles, François, c'est demain que tu auras besoin de ton énergie". Quelle arme compterait-il, pourrait-il utiliser, hormis l'imposition ? Une lance insuffisante et mouchetée...

Sur le fond, les principaux thèmes d'actualité furent abordés. François Hollande surprit même les observateurs en anticipant certaines propositions concrètes et chiffrées. Il s'engagea notamment pour le retour de la retraite à 60 ans à taux plein avec 41 annuités, la création, confirmée, de 60 000 postes d'enseignant à effectif fonctionnaire constant, le retour à l'équilibre budgétaire d'ici 2016, l'inscription dans la Constitution de la loi de 1905 sur la laïcité, le droit de vote accordé aux étrangers dans les élections locales, l'élévation du taux de la dernière tranche de l'ISF à 45%, l'abaissement de 30% de la rémunération de l'exécutif, le doublement du plafond du livret A, le mariage homosexuel et l'adoption par les couples homoparentaux, l'interdiction des stock options, exiger des entreprises qui délocalisent qu'elles remboursent leurs aides publiques...

D'autres propositions restèrent plus allusives : faire de l'éducation et de la jeunesse sa priorité ; rétablir la justice partout (fiscale avec la fusion IRPP-CSG, financière par la taxe Tobin) et en finir avec les "petits caïds de quartier" ; équilibrer le mix énergétique (réduire la part du nucléaire, favoriser la recherche et le développement dans les énergies renouvelables et les économies d'énergie) ; séparer les activités de dépôt et d'affaires dans les banques, et mettre en place une banque d'investissement pour les PME ; préserver l'indépendance à la presse ; généraliser l'internalisation des coûts par le système "pollueur-payeur", notamment en surtaxant les produits étrangers (protectionnisme européen) ; remplacer Hadopi par une autre loi qui équilibrerait davantage les intérêts des créateurs et du public ; encadrer les loyers ; construire plus de logements sociaux ; organiser le retrait des troupes françaises d'Afghanistan sans attendre ; accroître la pression française sur le conseil de sécurité de l'ONU pour s'interposer en Syrie ; lutter contre un encadrement et un renforcement des relations franco-allemandes...

Il voulait rompre avec le flou et les ambiguïtés que ne cessent de lui reprocher la droite. Force est de constater qu'il n'y sera pas parvenu. Quid de la vision européenne de long terme ? Fédéralisme, zone euro à deux vitesses ou Union européenne réduite ? Comment, avec quels arguments pour convaincre les partenaires ? Quid d'Israël et de la Palestine ? Des salaires ? De l'accompagnement des demandeurs d'emploi ? De l'utilité même de Pôle Emploi ? De la réforme de la dépendance ? Des droits de succession ? Des mesures ciblées contre la délinquance, les trafics ? De la politique pénitentiaire ? De la politique d'immigration ? Du bouclage macroéconomique permettant de retrouver les conditions de la croissance ? Des leviers, au moins européens, pour agir sur la politique monétaire ? Des priorités de la politique étrangère ?...

Emporté par son idéalisme de gauche, il se contenta d'inviter les électeurs séduits par le vote extrême ou l'abstention à plus de "confiance". Comme Nicolas Sarkozy avant lui, il se trompe de problème, en oubliant que la peur n'est pas qu'un phénomène irrationnel et qu'il ne suffit pas d'un discours volontariste pour l'éradiquer : des actes forts sont d'autant plus nécessaires qu'elle se fonde sur une extension réelle des clivages sociétaux et du chômage structurel. Bien sûr, l'espoir est une vertu porteuse de progrès, mais on ne gouverne plus en 2012 comme on le faisait en 1981. Et les électeurs qui se sont éloignés de la gauche durant ces trente dernières années savent très bien pourquoi ils l'ont fait. Ce qui paraît primordial aux déçus de l'UMP et du PS, il ne l'a pas identifié ou du moins ne souhaite-t-il pas en faire un axe de campagne. En particulier, il n'a pas compris que les valeurs conservatrices de droite ne sauraient se réduire à des questions contingentes, ni ne concerner que les alliés de la finance. Il lui restera jeudi une seconde chance de préciser les détails et le chiffrage de son programme.

Plus on se rapproche de l'échéance, plus les candidats exhibent leurs tripes, s'expriment de façon plus personnelle. Mélenchon et Le Pen dans le registre de la fronde et de la colère. François Bayrou dans la critique mesurée et la sérénité. François Hollande lui aussi est en train de se découvrir à nous, de se découvrir à lui. Il ne reste plus que le candidat de droite. J'ai parié que Nicolas Sarkozy, par un mauvais tour du destin ou par le vox populi, ne serait pas présent au second tour. J-91. Nous serons bientôt fixés♦

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