lundi 17 octobre 2011

LA ROSE ET LE NOIR : MES CONDOLÉANCES AU PARTI SOCIALISTE

Commedia dell'arte socialiste : le bal des masques

"Joyeux". Voici le mot pour le moins inattendu, entonné par un choeur féminin, hier hostile, aujourd'hui fidèle et dévoué. La veille du dernier round de scrutin de la primaire socialiste, Martine Aubry avait annoncé la "fête" à venir pour lundi. La fête n'aura pas attendu. Ce soir, elle et Ségolène Royal, auront en effet été les premières à féliciter leur nouveau champion, cherchant à étouffer dans l'oeuf les critiques de la droite sur la nouvelle et ridicule union de façade du parti socialiste derrière l'élu. Oui, nous y voilà ... enfin ! Une partie du peuple de gauche s'impatientait. La droite tout autant, qui attendait de mettre un nom et un visage sur son principal adversaire.

Et quel adversaire ! L'ex-monsieur normal, l'ex-gauche molle, l'ex-honni au sein de son propre camp — liste non exhaustive. Voilà la redoutable incarnation des espoirs du PS. Cet homme, vous l'aurez reconnu, c'est François Hollande.

Ce petit chose encore informe il y a quelques mois, emprunté, gentiment drôle, presque touchant, gagna de l'assurance à mesure que le projet socialiste lui-même structurait ses propositions, densifiait ses attaques contre le Président Sarkozy. "Le corrézien serait-il mûr pour l'affronter en 2012 ?", s'inquiétait-on. Avant de vaincre, il fallait convaincre et asseoir sa crédibilité ! Alors les amis, collègues, médias, sondages, artistes un peu rebelles et beaucoup "bobos", unirent leurs forces pour que le miracle s'accomplisse. "Ayez confiance", aimait-il répéter. D'ailleurs, l'illusion était parfaite, ou presque. Nous naviguions dans des eaux nouvelles, celle d'une démocratie exemplaire, préfiguration d'une gauche du XXIe siècle, sur le point d'accoucher de la VIe République. Seulement, il y avait des fils. De grosses ficelles qu'un enthousiasme aveugle et juvénile avait omis de dissimuler. Retour sur le prélude d'un pari pourtant bien tenté.

Un cirque de marionnettes

Tout avait été habilement campé. Le décor installé de longue date, les consciences préparées, lavées par les médias-sondages. Des débats et péroraisons pédantes, s'enlisant inlassablement dans une torpeur intellectuelle confortable pour étouffer la carence des solutions à gauche face à la crise. Douce, insensible transition des âmes vers l'automne. Juste l'excitation du combat interne entre caciques et candidats du PS pour éviter l'endormissement devant la télévision. Et entre deux joutes courtoises, une tape lénifiante et consensuelle sur l'épaule. "Triomphe de la démocratie participative... Merci Ségolène... Merci aussi à toi Arnaud... Merci à toi Manuel..." Hommages collatéraux, auto-congratulations avant les retrouvailles du 16 octobre 2011 et le grand banquet annoncé pour mai 2012.

Alors bien sûr, il y aura eu quelques pseudo-piques, puis le second tour. Ce duel à l'épée au petit matin déprogrammé pour un match de catch. Les jeux étaient bien moins "faits", comme le disait un Pierre Moscovici jouant sur le double sens, que les dés n'étaient pipés. Car tout ceci, mesdames et messieurs n'était qu'un cirque de marionnettes — chacune à la place qui lui était dévolue. La reine d'entre elles est une marionnette sans tête, s'agitant en tout sens. Un "truc qui ne dérange personne" pour citer Jean-François Copé, un "Monsieur je ne prends position sur rien" selon Christian Jacobs, le patron des députés UMP à l'Assemblée Nationale. Rendons hommage à la droite qui ce soir a vu clair dans le jeu d'une alliance médiatico-socialiste dont l'objectif ultime est la non réélection de Nicolas Sarkozy dans 7 mois.

Tout ça pour ça !

"Un faux suspens", dira le secrétaire général de l'UMP. A 20 heures déjà, Christian Jacobs, invité sur le plateau d'itélé, n'accusait pas mais, sans ambages, remettait en question la probité du dépouillement et par là-même, le symbole de la primaire socialiste. "Qui nous dit que le vainqueur est réellement celui que le PS nous vend ?!" Quelle valeur peut-on en effet accorder à une organisation dont les modalités sont aussi opaques qu'internes ?

Un candidat du PS a été chéri, façonné par des médias si soucieux de son image, qu'ils devinrent les conseillers de sa communication et de son régime. Donné gagnant par les sondages, l'homme s'est montré ostensiblement "digne". Tout en retenue, déjà présidentiable, face aux attaques et petites phrases de sa première concurrente, une certaine maire de Lille, ancienne ministre qui accepta d'endosser les habits de la mégère et du faire-valoir de circonstance. Cependant, afin de se poser en "représentant légitime du PS et de tous ceux qui souhaitent destituer Sarkozy en 2012", il convenait d'étayer ses éléments de langage par des chiffres et des faits.

Lessiveuse en marche : "Rassemblement" et "légitimité"

19h45. Premiers résultats partiels sur 120 000 votants : plus de 56% pour Hollande, moins de 44% pour Aubry. Un rapport qui ne se modifiera pas significativement, instillant chez une poignée de crédules un message : Hollande l'emporte avec une large avance, et cette marge est stable et constante quelle que soit la taille de l'échantillon. Ce message, vendu comme un fait objectif, valide un premier élément de langage officiel, celui que les spectateurs auront entendu toute la journée : "François Hollande veut et peut rassembler le parti socialiste".

D'abord, faire croire à un plébiscite populaire. Presque 3 millions de votants, un électorat qui, factuellement, dépasse largement la foule des militants et vraisemblablement mélange des sensibilités de gauche, de droite et du centre. Certains ont voté par adhésion idéologique, d'autres par calcul pour choisir celui des candidats qui leur semblait le plus faible face à l'actuel chef de l'Etat. Ce biais stratégique évoqué la semaine précédente, aura été omis aujourd'hui ; ce jour était certainement celui des sincères, alléluia ! Surtout, le parti et le peuple socialistes n'avaient pas de candidat naturel. Hollande n'avait pas d'expérience ministérielle, ni de légitimité populaire pour rivaliser face à Nicolas Sarkozy. La symbiose crevait les yeux ; elle était trop inespérée pour qu'une main invisible ou des intérêts marketings n'influencent le destin. Après avoir été propulsé devant les caméras, Hollande fut ainsi élevé sur cette estrade où il fit dans la soirée son premier discours de présidentiable.

Le candidat socialiste, à défaut d'avoir l'expérience, a du moins conquis son premier argument de campagne : "la légitimité démocratique". Fera-t-elle le poids face au socle électoral huit fois plus élevé dont pourra s'enorgueillir le premier magistrat de France ? Royal et d'autres en semblent persuadés, eux qui qualifient cette légitimité d'"incontestable", préparant leur défense contre la volée de bois vert que l'UMP réserve à Hollande.

Hollande : la synthèse improbable entre Valls, Montebourg, Aubry, Royal et Baylet

Bises à tout va, entre Ségolène, François, Martine, et tous les autres. Bravo aux artistes pour cette comédie, dont l'épilogue, hélas, ne se jouera que post-mortem. Pour l'heure, tous dans la boîte ... en sapin ! Car le PS n'est plus uniquement un cadavre à la renverse : il est déjà mort ! Supplicié par l'absence de crédibilité, écartelé par ses propres contradictions ! Loin d'être le sauveur de la gauche, François Hollande usera de l'hypocrisie environnante comme le fossoyeur de sa pelle, prêt à ensevelir un cadavre déstructuré et décomposé dans la tombe des convictions socialistes.

Et pendant que les "Hollandistes" s'apprêtaient à sabrer le champagne au siège parisien du parti rue de Solférino, Henri Guaino, invité du Grand Jury sur RTL, se fit diable sonneur de glas. Se réappropriant insidieusement le protectionnisme de Montebourg et Mélenchon, le conseiller spécial du président de la République démontra que la droite n'avait pas dit son dernier mot, et qu'elle était prête à tout pour conserver l'Elysée. Même à vampiriser l'aile gauche esseulée au sein de cette nouvelle équipe sociale-démocrate. Au loin, une autre chanson fait écho à sa mélodie. Un dies irae sarcastique, martelé par la dernière candidate qui puisse encore ambitionner le second tour de la présidentielle...

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire