jeudi 8 janvier 2015

"JE SUIS CHARLIE" : UN MIMETISME RASSURANT... OU PAS

C'est un peu à contrecœur que je publie une note sur l'environnement des attentats contre le journal satirique Charlie Hebdo. Comme tout le monde, j’ai trouvé ces mouvements de foule spontanés impressionnants. Je les ai trouvés également inquiétants, car les gens ne savaient pas encore ce qui s’était exactement passé qu’ils étaient déjà absorbés par l’émotion. On vend au public un spectacle auquel il ne prend nullement part et instantanément le simple spectateur s'identifie, comme s’il était lui-même en face de l’attentat : il pleure, et, pénétrant dans un état de sidération, oublie tout esprit critique, toute vigilance, pourtant fort utile dans une situation où des terroristes rôdent.

C'est par l'un de ces correspondants émus que je fus averti hier, en début d’après-midi, qu’un attentat s’était produit. Mon interlocuteur, comme soudainement privé de tout jugement et endoctriné dans une secte, n’a pu me faire partager que le hashtag "#JeSuisCharlie". Et, telle la psalmodie répétée dans la foulée d'un prêtre ou un gourou, ce leitmotiv hypnotique qui stipule que je est un autre (la définition même de l'aliénation) essaima toute la soirée, toute la nuit, et encore le lendemain, partout, sur des édifices municipaux, dans les transports, sur des panneaux publicitaires, en France comme à l'étranger. Et gare à celui qui tardait à rallier ce mouvement ! Il convenait en effet de dispenser cet évangile de vive voix et promptement, pour montrer sa compassion, ainsi que pour pouvoir dire plus tard que, dans une vie sans relief, nous construisîmes tout de même un moment d'histoire : nous étions là, dans la rue ou sur twitter, ce 7 septembre 2015, nom de Dieu !... Les médias sociaux, devenus la source principale de conditionnement des esprits, savent à présent bien exploiter le besoin compensatoire qu’ont des êtres trop rationnels dans leur travail et trop isolés, de se retrouver et de se livrer à des manifestations brutes d’affects.

Parallèlement aux badauds, les politiques y sont allés de leur Marseillaise, et ont répondu à l'appel des manifestations, au nom de la liberté de la presse, et de la liberté tout court, la république en danger etc. A leur élan sincère s'est ajouté l'instinct opportuniste et déjà, cet après-midi, la volonté d'unité nationale, se brisant sur les récifs du pragmatisme partisan pour refluer vers l'utopie, a disloqué l'espoir d'une alliance œcuménique entre PS, UMP, FN et autres sensibilités, lors de la marche prévue dimanche.

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