samedi 26 mars 2011

JAPON : SÉISME, TSUNAMI ET ACCIDENT NUCLÉAIRE

Tragique ironie de l'histoire et dramatique télescopage de thèmes, à l'heure où notre pays s'inquiète de possibles "vagues d'immigration" qui déferleraient sur les rivages européens de la Méditerranée, des vagues réelles submergent le Levant et les îles du Pacifique. Il y a deux jours, en présentant une autre vidéo, j'usais de la même terminologie pour évoquer la crainte de nombreux politiciens français de voir s'abattre sur nos côtes "un raz-de-marée Front National". Cette actualité asiatique nous rappelle que nous serions bien inspirés d'accorder moins d'attention au "buzz franco-français", et un peu plus à ce qui se passe ailleurs dans le monde.


Source vidéo : CNN.
Fond sonore : "Air de l'esprit du froid" par Andreas Scholl et l'Accademia Bizantina, extrait du "Roi Arthur" de Purcell.

12/03/2011, 00h heure française. Le Japon se réveille endolori, compte les pertes humaines et matérielles. Les autorités ont établi des périmètres de sécurité autour des deux plus importantes centrales nucléaires du nord du pays. L'une d'elle a enregistré localement un taux de radioactivité mille fois supérieur à la normale. De quoi alimenter encore le parfum de fin du monde et l'attrait contemporain pour les prophéties apocalyptiques ...

13/03/2011, 05h22 heure française. Après l'explosion de la structure externe d'un réacteur hier, la BBC relaie des inquiétudes très sérieuses du gouvernement japonais quant à la fusion possible de deux réacteurs de la même centrale.

15/03/2011, 03h heure française. Le réacteur n°2 a connu à son tour une explosion, endommageant cette fois l'enceinte de confinement et libérant un surcroît d'émissions radioactives. Le Premier ministre japonais Naoto Kan vient de révéler l'incendie du réacteur n°4. Il a décrété un périmètre de sécurité de 20 kilomètres, et recommandé aux habitants se situant entre 20 et 30 kilomètres de rester chez eux en calfeutrant leurs portes et fenêtres. Un nouveau séisme de magnitude 7 est par ailleurs attendu d'ici 48 heures.



Reportage de France 24.

15/03/2011, 23h40 heure française. Nouvel incendie autour du réacteur n°4. Le stoïcisme des japonais a cédé la place à la défiance vis-à-vis des lénifications officielles, puis à la peur, entraînant des exodes massifs vers le sud de l'archipel. La perspective d'une contamination nucléaire commence même à inquiéter les voisins chinois et russes. La commission européenne parle d'"apocalypse nucléaire" et d'une situation "hors de contrôle". A Tokyo, pourtant hors du périmètre de sécurité de 30 km, des taux de radioactivité dix fois supérieurs à la normale ont été mesurés ce mardi 15 mars 2011. Sur place, 50 des 800 techniciens sont encore mobilisés pour ce qui ressemble davantage à une série de traitements palliatifs, voire d'opérations de la dernière chance, qu'à une guérison. Le Japon, marqué à vie par Hiroshima et Nagasaki, est en train de revivre une catastrophe d'autant plus terrible qu'elle semble inexorable. Un constat d'impuissance affligé qui envahit les peuples, autant que les experts et responsables politiques du monde entier.

16/03/2011. 02h20 heure française. Aucune chaîne de télévision francophone ne relaie en temps réel les informations, pour le moins préoccupantes. Elles se contentent de répéter en boucle les mêmes reportages enregistrés la veille à 22h. Cette lacune masque les contradictions qui apparaissent sur les chaînes japonaises et américaines. Ainsi l'annonce antérieure d'un arrêt de feu sur le réacteur 4, est démentie par les données visuelles "live" de télévisions japonaises qui continuent de montrer de la fumée blanche qui s'en échappe. En outre, la Tokyo Electric Power Company (Tepco) a confié son pessimisme quant à l'efficacité de la solution aérienne pour refroidir les bassins de rétention. Toutes les autorités cherchent à relativiser la situation en expliquant que les réacteurs sont coupés et qu'il n'y a par conséquent aucune chance que le scénario d'explosion à la Tchernobyl se produise. Elles omettent juste de mentionner que les émissions radioactives ne sont ni uniques ni ponctuelles, mais bien continues. Après avoir évoqué la course contre la montre des techniciens, il semblerait qu'à présent le leitmotiv implicite soit "prions et espérons un miracle".

02h37 heure française. Tepco exprime sa "difficulté à voir sur les vidéos transmises par la chaîne NHK ce qui se passe exactement à Fukushima". Et pour cause, l'atmosphère semble totalement saturée.

02h46 heure française. Tepco rapporte que le réacteur 3 émet des fumées blanches et grises depuis 45 minutes. Disons les choses franchement : les travailleurs restés sur place sont condamnés, sacrifiés pour sauver leurs semblables. Pour éviter de le reconnaître, les autorités diffusent sur NHK des mesures de radioactivité "raisonnables", comprenez "des taux inquiétants, mais pas mortels".

04h heure française. Le porte-parole du gouvernement japonais a annoncé le retrait du personnel qui travaillait encore près des réacteurs, suite à une hausse brutale des taux de radioactivité sur le site. Un nouveau tremblement de terre important est prévu dans les heures qui suivent ... Selon Nathalie Kosciusko-Morizet et François Baroin, le pire des scénarios envisagé produirait des conséquences supérieures à celles de Tchernobyl. En fin d'après-midi, l'Agence Internationale de l'Énergie Atomique a révélé que des taux 300 fois supérieurs à la normale avaient été observés à 100 km de Tokyo.

22h heure française. Une information importante publiée par le Parisien : "Il est fort probable que l'on détecte le passage du nuage à partir de la semaine prochaine sur notre territoire" a expliqué Jean-Marc Peres, chef du service d'études et de surveillance de la radioactivité dans l'environnement au sein de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). L'expert assure néanmoins que le risque sanitaire est nul, en raison du phénomène de dispersion et de dilution des particules au cours d'un trajet de plusieurs milliers de kilomètres. Selon lui, "le niveau de radioactivité sera en-deçà du seuil nocif, c'est une certitude". Une fois n'est pas coutume, je rends hommage aux ministres français, Nathalie Kosciusko-Morizet en tête, qui n'ont pas minimisé l'ampleur du drame, et dont les avertissements ont même devancé certaines déclarations officielles japonaises.

17/03/2011, 02h heure française. NHK diffuse en direct l'arrosage des réacteurs par les hélicoptères. La forte radioactivité contraint les engins à un survol distant, qui handicape la précision et l'efficacité des manœuvres. Imaginez l'incendie d'un appartement qu'on tenterait d'éteindre avec un brumisateur.

02h20, départ des hélicoptères, les canons à eau prennent le relais. Ces opérations dérisoires évitent surtout au Japon d'être qualifié de fataliste et de passif face aux évènements.



Source vidéo : France 24 (26/03/2011).

26/03/2011. Des nouvelles alarmantes nous parviennent tous les jours à propos de la réalité de la crise nucléaire au Japon. Pour de nombreux observateurs, le plus inquiétant n'est pas ce qu'on sait, mais ce qu'on nous cache. "Tepco et le gouvernement japonais peinent à maîtriser la situation mais ne veulent pas non plus affoler la population" disent les japonais. Jusque là, le refrain est bien connu.

La nouveauté, c'est ce communiqué officiel d'un laboratoire du Criirad (Commission de Recherche et d'Information Indépendantes sur la Radioactivité) qui, au lendemain de leur publication, relativise les premiers résultats d'analyse rassurants, relatifs au nuage radioactif qui a survolé pour la première fois notre pays. La commission française émet ainsi deux principales réserves méthodologiques à l'encontre des études portant sur des prélèvements d'iode et réalisées au Puy-de-Dôme par l'Institut français de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN) :

"1) la présentation des résultats d'analyse de l'IRSN est incorrecte. Il est indispensable de préciser que la mesure n'a porté que sur l'activité de l'iode 131 particulaire.

2) les résultats publiés sous‐évaluent très probablement l'activité réelle de l'air en iode 131. Pour savoir si le chiffre réel est 2 fois, 3 fois, 4 fois, 5 fois, 10 fois plus élevé, il faut disposer de résultats d'analyse portant sur des filtres spécifiques (le laboratoire de la CRIIRAD utilise par exemple des cartouches à charbon actif) qui piègent les formes gazeuses de l'iode"♦

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